Notre projet

Depuis plusieurs décennies, en France, l’histoire de la répression des drogues et celle des personnes issues de l’immigration se déroulent en parallèle ; elles peuvent concerner les mêmes personnes mais n’ont jamais été croisées.

Du département de la Seine-Saint-Denis aux quartiers Nord de Marseille, la violence liée aux trafics de drogues illicites frappe en premier lieu les gens qui vivent et grandissent dans ces territoires et sont, pour beaucoup, Noirs, Arabes, issus de milieux défavorisés.

Dès lors, on peut se demander si la guerre aux drogues n’est-elle pas une guerre contre les minorités ethniques, une guerre raciale ?

couverture livre the new jim crowAilleurs la question ne se pose plus

Aux États-Unis, plusieurs chercheurs, dont Michelle Alexander ou Carl Hart, ont confirmé cette hypothèse. Dans son livre, The New Jim Crow, Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, M. Alexander évoque la «guerre aux drogues» lancée par Richard Nixon dans les années 70. À une époque où la consommation de drogue était plutôt en baisse, cette campagne massive permit de focaliser l’attention des médias sur les toxicos et les dealers noirs, bien que toutes les statistiques montrèrent qu’en matière de consommation et de trafic, les Noirs n’en faisaient pas plus que les Blancs. Les médias, la police, la justice, tout le système a ciblé non les circuits de la drogue en général, mais les circuits noirs de la drogue.

Human Right Watch a montré qu’aux États-Unis les Noirs sont 5 fois et demi de plus que les Blancs arrêtés pour infraction à la loi sur les stupéfiants.

couverture livre l'ombre du mondeEt en France ?

Éclairés par la démarche américaine, nous avons décidé de confronter la question des minorités ethniques à la guerre aux drogues en France. Chez nous, le sujet est complètement occulté car il se trouve au croisement de deux tabous : celui sur notre difficulté à parler des couleurs de peaux et celui sur la consommation de stupéfiants.

C’est pourquoi l’AFR, en partenariat avec République & Diversité et le CRAN, a conçu cette campagne. Nous assumons l’hypothèse que l’application de la loi interdisant les stupéfiants en France est AUSSI utilisée à des fins de contrôle des minorités ethniques vivant dans les quartiers.

En tout état de cause, des éléments nourrissent cette hypothèse, comme le récent travail de l’anthropologue- sociologue Didier Fassin.

« Les hommes noirs et arabes représentent les deux tiers de l’ensemble des détenus et même plus des trois quarts des moins de 30 ans »
Didier Fassin, sociologue, commentant les résultats de l’enquête ethnographique qu’il a menée dans une maison d’arrêt d’Ile de France (L’Ombre du monde, Seuil, 2015)

« L’usage ou la revente de stupéfiants représente une entrée en prison sur sept. Neuf fois sur dix, il s’agit de cannabis… »
Sonya Faure, Libération

Ces deux citations sont extraites de l’article Couleur de peau, la justice pas si aveugle que ça, paru dans Libération, édition du 5 février 2015. © Didier Fassin / Sonya Faure / Libération

Témoignez !

À défaut de travaux d’analyse et de recherche de l’ampleur de ceux produits par nos collègues anglo-saxons, nous avons pour premier objectif de documenter cette hypothèse, au travers de témoignages de personnes vivant sur notre territoire et estimant être trop régulièrement la cible d’interpellations et de contrôles au prétexte de lutter contre les stupéfiants. Il faudra bien un jour nous interroger collectivement sur cette frilosité de la recherche française, avec en toile de fond ce débat récurrent sur les statistiques dites ethniques…